Le blog du Sôtô zen Valais
mar.
18
avril
2017
Si le cœur ne s'excite plus en vain

clarté de l'eau si limpide à l'éclat de jade
voyant jusqu'au fond, naturellement
sans aucun problème dans le cœur
dix mille situations ne peuvent l'en détourner
si le cœur ne s'excite plus en vain
il ne change plus pour l'éternité
si l'on peut connaître cela
on comprend vraiment sans envers ni endroit
Han Shan
Tiré de Le fils de la Montagne froide, Paris, Orphée-La Différence, 2016, p. 77.
Hanshan (Montagne froide) est un poète chan et ermite chinois qui a vécu aux environs du 8e ou 9e siècle, sous la dynastie des Tang.
ven.
24
mars
2017
Éclairer nos illusions

Les quatre vœux du bodhisattva nous engagent à œuvrer au bien d’autrui. Le deuxième de ces vœux « bonno mujin sei gan dan » peut se traduire par vaincre ou éclairer nos illusions –les bonnos. Voir nos illusions est un travail essentiel pour contribuer au bien d’autrui.
Bon veut dire ce qui dérange, ce qui trouble, et no, ce qui fait souffrir, ce qui tourmente. Les bonnos sont nos soucis mondains, nos désirs sensuels, nos souffrances. Ils sont une base de l’ego, et un obstacle important sur le chemin de la libération. L’ego, lui, est essentiellement une structure qui s’organise autour de l’ensemble : « je – moi – mon ». Il nous amène à voir le monde de façon dualiste : moi et les autres –les non-moi, à distinguer « j’aime / je n’aime pas », « ceci est à moi / ceci est à toi. »
Le renforcement de l’ego
L’ego renforce son identité par la possession et par l’identification aux possessions. Notre ego construit une image de nous-même et nous amène à nous y identifier. Dès lors, je suis ce que j’ai : mes possessions matérielles (maison, voiture, ordinateur, vêtements…), bien sûr, mais aussi mes idées, mon statut social, mon rôle, mon sexe, mon corps… Mais cela peut aussi être subtil : on s’identifie au fait d’être une personne qui vit simplement ou qui s’adonne à une pratique spirituelle. En fait, l’objet importe peu : l’essentiel, c’est le mécanisme d’identification qui nous place dans une bulle individuelle et nous sépare des autres et du monde.
Pourtant rien de tout cela ne peut nous satisfaire vraiment. Tôt ou tard, cette identité est mise en question, attaquée, ébranlée. Nous sommes alors confrontés à la souffrance, sous forme de frustration, de colère, de peur, de comparaison avec les autres, qui sont autant de bonnos. Et cette souffrance a des répercussions sur les autres. Vaincre ou éclairer ces illusions consiste essentiellement à les faire remonter à la conscience et à ne pas s’identifier à elles.
Voir nos conditionnements
Zazen nous permet de voir ce conditionnement, ces illusions, de les amener à la conscience et de les laisser passer, de lâcher prise. Cela demande du temps. Mais progressivement, on peut aussi éclairer la vie quotidienne, en pratiquant l’attention : quand la peur, la colère, la jalousie nous gagnent –et cela peut aussi être subtil et discret– le fait de voir ces pensées et nos émotions et de ne pas nous y identifier permet de voir que nous ne sommes ni notre rôle ni nos illusions mais la Présence dans lesquelles ces illusions apparaissent. Et comme le disait maître Nyojo à Dôgen, à chaque fois qu’on abandonne ne serait-ce qu’un petit bonno, un petit attachement, une illusion, on rencontre Bouddha face à face. C’est-à-dire qu’on rencontre la même expérience d’éveil que Shakyamuni Bouddha.
dojo sion-conthey / zanetsu
********************************
Photo by Dimitri Parant painting photographed by himself - Flickr, CC BY-SA 2.0, commons.wikimedia.org
ven.
17
mars
2017
Un poème de Setchô Jûken (11e s.)

Un mot, sept mots, trois mots, cinq mots,
pour saisir la vérité des myriades de formes de l'univers?
Ne vous y fiez pas.
Dans la nuit profonde,
la lune brillante illumine le vaste océan
Le joyau du dragon noir que vous cherchez
est ici et là, partout.
Tiré de Dôgen, Instructions au cuisinier. Paris, Le Promeneur, 1994, p. 34.
Photo : Antennae Galaxy
by NASA, ESA, and the Hubble Heritage Team (STScI/AURA)-ESA/Hubble Collaboration.
Commons.wikimedia.org/
jeu.
09
mars
2017
Toute la journée allongé

toute la journée allongé dans la salle du devant
l'esprit tranquille, dans le domaine du vide,
sur mon oreiller au milieu des montagnes
nulle affaire ne m'encombre le cœur
le store est enroulé, le soleil pénètre jusqu'à mon lit
un paravent m'abrite du vent qui rentre
j'attends le printemps, le printemps qui n'est pas encore arrivé
il doit être à l'est de l'embouchure du Fleuve
Tiré de Po Chu Yi, Un homme sans affaire, Ed. Moundarren, 2016 [1988]
Photo by Benjamin Gimmel, BenHur - FreePiP (Free Pictures Project), CC BY-SA 3.0, commons.wikimedia.org