On est foutu, on pense trop

Voici un petit livre plus riche que ne laisse l’entendre le bandeau sur la couverture : « Apprivoiser et calmer son mental : la méthode best-seller ». On a en effet un peu l’impression d’être devant un livre de développement personnel ou encore ce qu'en anglais on appelle en anglais un "self help book". Or ce type d’ouvrage est en général assez loin de la pratique du zen.

 

Pourtant, ce livre facile et agréable à lire de Serge Marquis peut apporter une très utile clarification à propos de la notion d’ego pour le pratiquant du zen. En effet, on entend souvent, dans le zen, qu’il faut laisser tomber l’ego. Mais il n’est pas facile de savoir comment comprendre cette injonction. Et puis, que peut vouloir dire de ne plus avoir d’ego?

 

DÉBUSQUER L'EGO

Marquis permet de s’approcher de la réponse. L’ego, c’est « Pensouillard », un hamster qui tourne sans répit dans sa petite roue. Et cette roue, c’est celle de l’ego, de nos pensées qui nous assaillent sans cesse pour nourrir et défendre le sens de notre identité : « Moi, moi, moi… » dit l’ego. Or ce moi a peur de tout ce qui le remet en question, fragilise l’image qu’il construit de lui-même. De plus, il est insatiable : il lui faut encore et toujours de nouvelles confirmations de son identité, ce qui l’entraîne dans la course sans fin du hamster dans sa roue.

 

NOTRE VÉRITABLE ORIGINE

Mais comme le montre bien Marquis, l’ego est une pure construction mentale, résultat de l’activité électrique de nos neurones. Quand, par exemple, nous disons à autrui « je suis comptable, patron.ne, chef.fe de rayon, professeur, infirmier.e… », nous cachons notre véritable être derrière ce statut qui est une pure construction mentale. Et les injonctions et commentaires de Pensouillard sont là pour conforter notre identité et ainsi nous séparer de ce qui est, le plus souvent au prix de souffrances et de conflits innombrables. Or c’est bien cela l’ego : cette construction artificielle qui masque notre véritable origine. L’origine que nous rejoignons lorsque nous sommes pleinement présents à ce qui survient, au réel : un rire, des pleurs, un souffle de vent, une odeur, la sensation du sol sous nos pieds… –sans commentaire, sans tapage mental, sans « pensouillure ». La simple présence à ce qui est

 

DÉCROISSANCE PERSONNELLE

Pour s’ouvrir à cette véritable présence, Marquis prône « la décroissance personnelle », « la fraction de seconde au cours de laquelle vous prenez conscience que votre esprit est entièrement habité par des mots ou des images contaminés par l’ego. C’est l’instant où l’attention surprend Pensouillard qui monte dans sa roue. ». Toutefois cette solution fort simple demande de l’entraînement : la méditation par laquelle nous entraînons notre esprit à débusquer Pensouillard et à ne pas le suivre.

 

On trouve alors dans l’esprit un espace vaste qui accueille ce qui est sans commentaire et qui se révèle un espace d’amour véritable. Tout cela ne signifie pas que l’on ne doive plus penser ! Car la pensée est nécessaire et utile pour notre vie quotidienne. Mais le cerveau doit apprendre à passer de l’activité mentale-ego (celle de Pensouillard) à l’activité mentale-conscience totalement détachée du jeu nombriliste du hamster. « Dans ce dernier cas, la conscience est alors libre d’accueillir ce que les sens perçoivent, libre d’aimer et d’offrir de la compassion, libre de goûter le beau et de créer l’utile à la vie. »

 

DES CONSEILS UTILES

Sur la base de ce constat, le livre de Marquis donne une série de conseils et propose des moyens qui se rapprochent de la pratique de zazen et qui seront profitables pour les novices, mais aussi pour des pratiquants avertis du zen, et qui pourront sans doute les aider dans leur pratique de la méditation, et dans la pratique dans la vie quotidienne.

 

Marquis, Serge. On est foutu, on pense trop. Seuil, coll. Seuil 2016, 150 p.