Éclairer nos illusions

By Dimitri Parant painting photographed by himself - Flic7kr, CC BY-SA 2.0, commons.wikimedia.org
Afterimage Mona Lisa

Les quatre vœux du bodhisattva nous engagent à œuvrer au bien d’autrui. Le deuxième de ces vœux « bonno mujin sei gan dan » peut se traduire par vaincre ou éclairer nos illusions –les bonnos. Voir nos illusions est un travail essentiel pour contribuer au bien d’autrui.

 Bon veut dire ce qui dérange, ce qui trouble, et no, ce qui fait souffrir, ce qui tourmente. Les bonnos sont nos soucis mondains, nos désirs sensuels, nos souffrances. Ils sont une base de l’ego, et un obstacle important sur le chemin de la libération. L’ego, lui, est essentiellement une structure qui s’organise autour de l’ensemble : « je – moi – mon ». Il nous amène à voir le monde de façon dualiste : moi et les autres –les non-moi, à distinguer « j’aime / je n’aime pas », « ceci est à moi / ceci est à toi. »

 Le renforcement de l’ego

 L’ego renforce son identité par la possession et par l’identification aux possessions. Notre ego construit une image de nous-même et nous amène à nous y identifier. Dès lors, je suis ce que j’ai : mes possessions matérielles (maison, voiture, ordinateur, vêtements…), bien sûr, mais aussi mes idées, mon statut social, mon rôle, mon sexe, mon corps… Mais cela peut aussi être subtil : on s’identifie au fait d’être une personne qui vit simplement ou qui s’adonne à une pratique spirituelle. En fait, l’objet importe peu : l’essentiel, c’est le mécanisme d’identification qui nous place dans une bulle individuelle et nous sépare des autres et du monde.

 Pourtant rien de tout cela ne peut nous satisfaire vraiment. Tôt ou tard, cette identité est mise en question, attaquée, ébranlée. Nous sommes alors confrontés à la souffrance, sous forme de frustration, de colère, de peur, de comparaison avec les autres, qui sont autant de bonnos. Et cette souffrance a des répercussions sur les autres. Vaincre ou éclairer ces illusions consiste essentiellement à les faire remonter à la conscience et à ne pas s’identifier à elles.

 Voir nos conditionnements

Zazen nous permet de voir ce conditionnement, ces illusions, de les amener à la conscience et de les laisser passer, de lâcher prise. Cela demande du temps. Mais progressivement, on peut aussi éclairer la vie quotidienne, en pratiquant l’attention : quand la peur, la colère, la jalousie nous gagnent –et cela peut aussi être subtil et discret– le fait de voir ces pensées et nos émotions et de ne pas nous y identifier permet de voir que nous ne sommes ni notre rôle ni nos illusions mais la Présence dans lesquelles ces illusions apparaissent. Et comme le disait maître Nyojo à Dôgen, à chaque fois qu’on abandonne ne serait-ce qu’un petit bonno, un petit attachement, une illusion, on rencontre Bouddha face à face. C’est-à-dire qu’on rencontre la même expérience d’éveil que Shakyamuni Bouddha. 

 

dojo sion-conthey / zanetsu

 

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Photo by Dimitri Parant painting photographed by himself - Flickr, CC BY-SA 2.0, commons.wikimedia.org